Il n’y a pas si longtemps, le véhicule connecté est devenu la nouvelle norme. En plus d’offrir des fonctions de sécurité, de commodité et de divertissement grâce à des logiciels avancés, cela permet au véhicule de se connecter à Internet et aux applications des téléphones intelligents. Ces applications offrent une vaste gamme de fonctions, depuis Apple CarPlay et Android Auto jusqu’à la possibilité pour le propriétaire de démarrer ou de préchauffer son véhicule et de contrôler le débit de recharge par un réseau sans fil, sur un téléphone intelligent.
Le véhicule basé sur logiciel représente l’évolution, et l’étape suivante. Cette transformation fera passer la voiture d’un produit centré sur le matériel à un produit centré sur les logiciels. Cette transformation touchera tous les aspects, de la connectivité à la personnalisation, en passant par la conduite autonome complète qui se profile à l’horizon.
Par le passé, de nombreux véhicules restaient inchangés depuis le jour de leur fabrication jusqu’à leur mise hors service. À l’époque, chaque véhicule était équipé de multiples modules de commande électronique. Chaque module s’occupait d’un élément matériel précis et utilisait son propre logiciel. Les mises à jour logicielles du système d’infodivertissement, de navigation ou du véhicule nécessitaient une visite chez le concessionnaire. Le véhicule basé sur logiciel recevra toutes ses mises à jour à distance. Cela permet non seulement d’actualiser le véhicule, mais donne aussi au constructeur la possibilité de surveiller sa performance à distance.
À l’avenir, la capacité de mettre à jour le matériel courant avec de nouvelles fonctionnalités et caractéristiques sans obliger le client à investir dans le prochain modèle « neuf » jouera un rôle de plus en plus important. À bien des égards, le passage au véhicule basé sur logiciel sera à l’image de l’industrie des téléphones intelligents : les aspects logiciel et matériel du véhicule seront développés séparément, ce qui éliminera bon nombre des contraintes actuelles. Ce changement simple signifie également qu’à l’avenir, plusieurs générations de matériel pourront être actualisées avec de nouveaux systèmes d’exploitation ou des systèmes mis à jour au cours de leur cycle de vie, de la même manière qu’Apple s’occupe de plusieurs générations d’iPhone. L’avantage, c’est que tout se fait à distance et en déplacement.
Cette capacité permet au constructeur d’offrir aux consommateurs férus de technologie des solutions logicielles pour tout : systèmes d’aide au conducteur évolués, nouvelles caractéristiques d’infodivertissement, riche expérience utilisateur, connectivité améliorée et personnalisation accrue du véhicule.
De même, alors que de plus en plus de véhicules sont intégrés à l’Internet des objets, la nécessité d’envoyer et de recevoir d’énormes quantités de données à partir de cet environnement infonuagique requiert des logiciels rapides, fiables et stables. Il faut aussi la capacité de traiter, de gérer et de distribuer l’ensemble de l’information en toute sécurité. La sécurité est un problème épineux dont la responsabilité est partagée : le constructeur doit bloquer les intrus et le propriétaire doit protéger ses mots de passe pour que le système fonctionne.
Le passage aux véhicules basés sur logiciel modifiera également le modèle d’affaires traditionnel. De façon générale, les constructeurs automobiles présentent un nouveau modèle avec caractéristiques actualisées tous les cinq à sept ans. À l’avenir, les consommateurs pourront accéder à de nombreuses nouvelles caractéristiques et les actualiser par le biais des mises à niveau logicielles. Surtout, l’accès à ces caractéristiques et services sur demande permet au constructeur de transformer le véhicule en un générateur de revenus qui dépassent largement le bénéfice intégré au prix de vente initial.
Hyundai a récemment annoncé que toutes ses voitures seront basées sur logiciel d’ici 2025. Dans le communiqué de presse, l’idée maîtresse était claire : « Des logiciels qui peuvent constamment être mis à jour fourniront des sources de revenus diversifiées et stables tout en offrant de nouvelles fonctionnalités et caractéristiques pour maintenir les véhicules des clients à jour ». L’expression clé ici est « sources de revenus stables ».
Les mises à jour à distance permettront aux constructeurs de transformer un grand nombre des fonctions achetées de façon ponctuelle au moment de l’achat du véhicule en des caractéristiques par abonnement activables et désactivables à distance. Désormais, au lieu d’être payé une seule fois, le constructeur peut maintenir ses bénéfices pendant des années grâce à ces options par abonnement.
La liste des services offerts par abonnement comprend déjà les services d’infodivertissement comme la radio satellite. Elle va s’allonger pour inclure des caractéristiques telles que les sièges chauffants, la recharge sans fil, le démarrage à distance et les caractéristiques de sécurité : assistance au maintien de voie, régulateur de vitesse adaptatif et feux de route automatiques. À l’ère des véhicules électriques, cela pourrait également permettre au constructeur d’offrir une plus grande capacité de batterie par une mise à jour à distance, ce qui augmenterait l’autonomie. La mise à jour à distance pourrait tout aussi bien servir à envoyer un signal pour augmenter la puissance du moteur électrique. Les possibilités et les revenus générés semblent infinis.
Ce qui n’a pas été clairement expliqué, c’est le fonctionnement de ces caractéristiques par abonnement. Si on s’inspire du modèle utilisé pour la téléphonie cellulaire, les coûts pourraient être élevés. Si, par exemple, les sièges chauffants coûtent 20 $ par mois et que le propriétaire a la possibilité d’annuler l’option de chauffage pendant l’été, devra-t-il payer des frais de reconnexion? La grogne autour de cette question s’est manifestée en juillet dernier, lorsque BMW a été projetée dans la tourmente en raison de sa politique d’abonnement dans certaines parties du monde. La société facture aux automobilistes britanniques 23 $ par mois pour des sièges chauffants, 15 $ par mois pour un volant chauffant ou des feux de route automatiques et 54 $ par mois pour un régulateur de vitesse adaptatif avec assistance au maintien de voie. En toute franchise, BMW offre des options d’abonnement annuel et un programme d’achat ponctuel sur sa boutique ConnectedDrive si la caractéristique n’est pas de série.
La raison de cette évolution vers un marché basé sur l’abonnement se devine facilement. Pour le conducteur, cela permet de garder son véhicule à jour et de le rendre plus sécuritaire, et lui offre une gamme plus complète de caractéristiques et de fonctions. Pour le fabricant, cela lui donne accès à une toute nouvelle source de revenus. On peut facilement imaginer le jour où les constructeurs récolteront plus de profits avec les abonnements aux logiciels au cours du cycle de vie du véhicule qu’avec la vente initiale du véhicule lui-même. General Motors a déclaré qu’elle s’attendait à ce que ses services d’abonnement dans le véhicule lui rapportent près de deux milliards de dollars américains cette année. Le constructeur prévoit que ce chiffre atteindra 25 milliards de dollars américains d’ici 2030. De même, Stellantis évalue ces revenus à 22,2 milliards de dollars américains en 2030.
Le groupe Volkswagen est le plus optimiste, comme le montre le graphique ci-dessus. La société prévoit que « d’ici 2030, les ventes de logiciels pourraient ajouter environ un tiers aux prévisions de ventes de véhicules électriques à batterie et à moteur à combustion interne. Cela représente quelque 1,2 billion d’euros (1,62 billion de dollars). Ainsi, le marché global de la mobilité passerait de près de 2 billions d’euros (2,69 billions de dollars) aujourd’hui à 5 billions d’euros (6,72 billions de dollars), soit plus du double ». Bien sûr, ces prédictions audacieuses supposent que le consommateur va avaler sans broncher la pilule amère du paiement facturé au kilométrage!